Au-delà des armes, la question de l’espace Schengen

En sa qualité de membre de l’espace Schengen, la Suisse est tenue de modifier sa loi sur les armes pour être conforme à la directive européenne et préserver les acquis de Schengen. Nos autorités ont réussi – après d’intenses négociations – à faire en sorte de préserver notre tradition du tir et notre droit libéral sur les armes. Néanmoins, un comité proche de l’UDC et des milieux du tir ont lancé un référendum. Ont-ils la gâchette un peu trop facile ?

En arrière fond, la lutte contre la criminalité et le commerce illégal des armes
La population suisse se prononcera le 19 mai prochain sur la révision de notre loi sur les armes. Depuis 2013, les autorités européennes se penchent sur un renforcement de la traçabilité des pièces d’armes semi-automatiques afin de lutter de manière efficiente contre le commerce illégal. À la suite des attentats qui ont eu lieu sur le sol français, l’UE a accéléré la procédure et la Suisse, en tant que membre Schengen, se doit de reprendre ce développement. En cas de refus, nous serions exclus des accords de Schengen et Dublin. Le projet de mise en œuvre négocié par le Conseil fédéral et le Parlement est raisonnable et souple. Néanmoins, il n’a pas convaincu les milieux du tir qui, via un référendum ayant abouti, entendent s’opposer à un « diktat de l’Europe » et au « désarmement des Suisses ». Ces deux accusations méritent réponse.

Il ne s’agit pas un diktat européen
Le diktat européen est un argument souvent entendu et répété ces derniers temps. Or, pour le développement de l’acquis Schengen, cet argument est mensonger. Il s’agit d’une reprise dans notre droit suisse de la directive européenne, reprise évidemment adaptée à nos besoins et traditions. La Suisse a participé activement aux négociations et a fait valoir sa position. Elle a été un acteur clé pour harmoniser les règles européennes sur ce thème. Qui plus est, nous ne pouvons pas parler de diktat alors que cette modification nous est favorable.

Notre sécurité remise en question
Faire partie de l’espace Schengen/Dublin garantit notre sécurité ; cela permet de lutter contre la criminalité de manière transfrontalière. Notre pays profite d’un accès aux bases de données européennes. En cas de refus le 19 mai prochain, la Suisse sortirait de l’espace Schengen et donc de la coopération transfrontalière, mais devrait également dire adieu à l’accord de Dublin. Ce dernier permet d’empêcher qu’un demandeur d’asile débouté dans un pays Schengen/Dublin puisse déposer une nouvelle demande dans un autre pays de l’espace. Si c’est un Non qui sort des urnes, ces accords prendront fin et la Suisse risque de se transformer en une destination prisée pour le tourisme de l’asile. La Suisse profite des acquis de Schengen et des renvois Dublin et n’est, en aucun cas, soumise à un diktat européen.

Il ne s’agit pas non plus de désarmer les Suisses
La révision de la loi adoptée par le Parlement est souple, très peu contraignante et tient compte de nos traditions et de la pratique du tir sportif. En effet, aucun changement n’est à prévoir pour les militaires, même après la fin de leur service ; l’arme pourra être conservée. Les tireurs affiliés à un club sportif reçoivent automatiquement une autorisation exceptionnelle. Les non-membres doivent, quant à eux, prouver qu’ils tirent régulièrement. Ils ont 5 ans à partir de l’acquisition de l’arme pour le faire. Notre sécurité et les avantages du système Schengen/Dublin valent bien quelques menus changements dans notre législation. D’autant plus que revenir à des contrôles systématiques aux frontières, sortir de l’espace Schengen/Dublin, générerait des coûts bien trop importants comparativement aux infimes modifications proposées. Le projet est pragmatique, raisonnable et respectueux de nos traditions. Sommes-nous prêts à nous tirer une balle dans le pied en le refusant ?